Les canaux ont dit : « Nous avons plein le dos,
Nous avons plein le dos d'être des canaux latéraux.
Oh !d'abord, sortir d'une source,
Une source, avec de la mousse,
Et des petites fleurettes autour,
Et des bergers qui parleraient d'amour!...
Nous avons plein le dos d'être des canaux latéraux.
Oh !d'abord, sortir d'une source,
Une source, avec de la mousse,
Et des petites fleurettes autour,
Et des bergers qui parleraient d'amour!...
Mais de bergers, de bergères,
bernique !...
Nos Naïades et nos Tritons sont
Des ingénieurs des Chaussées et des Ponts :
Et nous sortons de l'Ecole Polytechnique.
Nos Naïades et nos Tritons sont
Des ingénieurs des Chaussées et des Ponts :
Et nous sortons de l'Ecole Polytechnique.
On aggrave encore notre sort
En nous affublant de noms à coucher dehors,
De noms dénués de toute poésie :
Nous ne prétendons pas qu'on nous dise Voulzie,(1)
Mais enfin était-il besoin
De nous appeler les canaux de l'Ourcq ou du Loing!...
En nous affublant de noms à coucher dehors,
De noms dénués de toute poésie :
Nous ne prétendons pas qu'on nous dise Voulzie,(1)
Mais enfin était-il besoin
De nous appeler les canaux de l'Ourcq ou du Loing!...
Et les écluses, non, mais, les
écluses !...
Croyez-vous que ça nous amuse ?
Tantôt en bas, tantôt en l'air,
Montagnes sinistrement russes
C'est à nous donner le mal de mer,
Les écluses !...
Croyez-vous que ça nous amuse ?
Tantôt en bas, tantôt en l'air,
Montagnes sinistrement russes
C'est à nous donner le mal de mer,
Les écluses !...
Ah ! Pouvoir parmi les prés
Serpenter à notre gré,
Faire des circuits, des zigzags,
Serpenter à notre gré,
Faire des circuits, des zigzags,
Avoir des tourbillons, des vagues,
Déborder aussi quelquefois :
Ah ! Ne plus marcher toujours droit !
Déborder aussi quelquefois :
Ah ! Ne plus marcher toujours droit !
Regrets superflus, plaintes vaines,
Aujourd'hui, tout comme demain,
Aujourd'hui, tout comme demain,
Comme hier, comme après-demain,
Et les jours des autres semaines,
Nous suivons le même chemin
Rectiligne, sans imprévu, toujours le même :
Et les jours des autres semaines,
Nous suivons le même chemin
Rectiligne, sans imprévu, toujours le même :
Car nous sommes les mornes canaux,
Aux rives monotones et tristes,
Que des ingénieurs peu artistes
Tracèrent, en s'appliquant, avec leurs niveaux
Aux rives monotones et tristes,
Que des ingénieurs peu artistes
Tracèrent, en s'appliquant, avec leurs niveaux
Et nous berçons notre mélancolie
Au rythme lent du pas des ânes et des mulets,
Qui traînent les bateaux plats, pesants et laids,
Chargés de charbon ou de poteries. »
Au rythme lent du pas des ânes et des mulets,
Qui traînent les bateaux plats, pesants et laids,
Chargés de charbon ou de poteries. »
Maurice Etienne Legrand dit ( Franc- Nohain) 1872-1934
(1) La
Voulzie est un rivière de Seine et Marne qui prend sa source à Voulton, 8kms au nord de Provins, traverse la
ville et se jette dans la Seine à Saint Sauveur les Bray (43,90 km de cours )
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