dimanche 20 mars 2016

Les Chemins de Halage

Article publié par Joëlle

 Les chemins de halage



Les chemins de halage constituent l'héritage d'un passé révolu. Ils sont formés des pistes ou voies situées le long de la berge ou des berges d'une rivière ou d'un canal navigables.
 Longtemps la traction  des péniches le long des fleuves ou des canaux a été le seul moyen de remonter les rivières avant l'invention des moteurs adaptés aux bateaux
 Le halage est un très ancien mode de traction des bateaux fluviaux qui consistait à tirer le chaland depuis la berge au moyen d'une longue corde.
Ce système a complètement disparu sur les rivières françaises au milieu des années soixante.

            Halage à la bricole



Les Bateliers de la Volga par Ilia Répine


La difficulté venait de ne pouvoir suivre facilement les berges que les propriétaires riverains occupaient ou exploitaient, ou les arbres repoussaient sans cesse et où mille ruisseaux coupaient le chemin.
Dès l’ancien régime il est apparu comme essentiel que les propriétaires des bateaux puissent emprunter les propriétés riveraines pour assurer le halage. C’est ainsi qu’a vu le jour le principe de servitude de halage.
C’est Colbert qui établit en 1669 la base de la législation qui était toujours en en vigueur il y a quelques années.

Article 7 du titre 28 : « Les propriétaires des héritages aboutissants aux rivières navigables, laisseront le long des bords vingt-quatre pieds au moins de place en largeur pour chemin royal est trait de chevaux, sans qu'ils puissent, planter arbres, ni tenir clôtures, ou haies plus près que de trente pieds du côté que les bateaux se tirent, et dix pieds de l'autre bord, à peine de cinq cent  livres d'amandes, confiscation des arbres, et d'être les contrevenants contraints de réparer et remettre les chemins en état à leurs frais… »

Le halage pouvait être humain ou animal.


Le halage humain

Le premier était dit« à la bricole ».  Le marinier et/ou sa famille était attaché par un harnais de tissu, « la bricole » relié au mas du bateau par un cordage « le Verdon ».
Un mousqueton permettait de s'en dégager en cas d'urgence.
Sur le canal deux personnes halaient le bateau, une de chaque côté du canal sur les deux chemins de halage.
Dans ces conditions, le bateau pouvait être dirigé sans gouvernail.
Lorsqu'il n'y avait qu'un seul chemin de halage, un haleur montait à bord pour éloigner le bateau de la rive avec une perche.
Le halage permettait de tracter des bateaux de 40 à 60 t à une vitesse voisine de 2 km/h.
Au XVIIIe siècle les haleurs mettaient  quatre à cinq jours pour relier Briare à Montargis sur le canal de Briare,  Combleux à  Montargis sur le canal d'Orléans. Au milieu du XIXe siècle il fallait quatre haleurs pour tirer des bateaux de 70 tonnes et relier la Loire à Saint-Mammès en quatre jours.
Le passage des écluses était une période de repos de 20 minutes et l’occasion d’ « écluser » un bon verre de vin chaud l’hiver.



Haleurs à la bricole

Canal du Loing à Saint -Mammès 

Dans l'esprit humaniste de la fin du XVIIIe siècle  les haleurs étaient assimilés à des bêtes de somme ou à des esclaves.
Un projet motivé par l'échec de la révolution française fut lancé en 1799.
Il s’agissait de remplacer les haleurs par des chevaux, ce qui donna lieu à un afflux de pétitions soutenues par des magistrats locaux des petites communes riveraines des canaux pour défendre cette activité qui faisait vivre de nombreuses familles.
En 1842 un arrêté du préfet du Loiret autorise le halage par chevaux sur les canaux à la fois pour accélérer le transit et mettre fin à des conditions de travail considéré comme trop pénibles.



Le Berry, couple de haleurs


Un décret du 19 juin 1875 interdit le halage « à la bricole ».

https://www.youtube.com/watch?v=QrmOIOJENpc

Le halage animal

Un chaland demande très peu d’effort pour le faire avancer et la plus grande fatigue venait des 20 km journaliers, à pied, par tous les temps.
 Quand le chaland était chargé, la force de traction à développer devenait à la limite des capacités d’un homme. Alors le marinier faisait appel à un charretier ou à un agriculteur qui lui halait sa péniche.


Attelés par des cordes, les chevaux de trait tiraient le bateau depuis le chemin de halage.
Travailleurs indépendants, payés au kilomètre, ils se reposaient aux écluses qui étaient des points de relais. C’était pour les paysans la pratique des « longs jours »  car une fois parcouru les 20 ou 25 km de halage, le charretier devait refaire le chemin inverse pour rentrer chez lui.
Les mariniers les plus riches avaient des « péniches écuries » et un cheval.
Sur le chaland une cabine supplémentaire était aménagée pour servir d’écurie pour le cheval



Le Berry Ecurie à bord d'un chaland

Attelés par des cordes, les chevaux de trait tiraient le bateau depuis le chemin de halage. Le câble de halage permettant la traction était fixé en hauteur sur un mât installé sur le bateau. Ce mât pouvait être couché pour permettre le passage du bateau sous les ponts. Il devait être assez long pour empêcher les chevaux de tomber à l’eau.




 Les chevaux peuvent être attelés par deux ou quatre selon le poids de la charge à déplacer sur l’eau, parfois ce sont des convois de plusieurs bateaux qui sont, tractés par des attelages de huit chevaux et plus .Ces convois avançaient à un rythme d'une dizaine de kilomètres par jour.

Pour éviter le risque de noyade de leur chevaux, au cas ou la corde, parfois long de près de 80 m, s’accroche dans un arbre ou un obstacle, les mariniers avaient toujours un couteau fixé au collier de cuir, permettant de couper rapidement le cordage.
Sur le canal de l’Ourcq entre Meaux et Paris subsista jusqu'à la construction du chemin de fer un service de bateaux-poste accélérés avec des chevaux au galop  qui atteignaient une vitesse supérieure à 16 km heure.



De nos jours  

Le développement de la propulsion motorisé supplanta l'attraction humaine et animale et les chemins de halage ne furent plus d’aucune utilité pour la navigation fluviale.
Au cours des dernières années un certain nombre de chemins de halage ont trouvé une nouvelle vocation puisqu'ils sont réaménagés pour le tourisme de loisirs comme Vélo Route ou Voie Verte.

L’Euro Vélo 3, projet soutenu par l’Union Européenne est un itinéraire cyclable qui relie Trondheim en Norvège à Saint Jacques de Compostelle en Espagne sur 5122 km.
Il traverse la Seine et Marne sur près de 110 km en deux parties distinctes du territoire :
30 km au nord, le long des vallées de la Biberonne, de la Beuvronne et du canal de l’Ourcq ; et 80km au sud, le long de la Seine puis du canal du Loing.
Il s’étend sur plus de 35 km le long du canal du Loing  et traverse 11 communes.
Après trois tranches réalisées entre 2009 et 2012 une nouvelle section supplémentaire a été achevée à l'été 2014 s’inscrivant  dans la continuité de l'Euro Vélo 3. Cette liaison de type Voie Verte relie l'écluse d 'Episy à l'entrée nord de Nemours  en traversant le territoire des communes d’Episy, La Genevray,Moncourt- Fromonville et Nemours.
L’'aménagement du chemin de halage sur une longueur de 10 km a permis de favoriser la pratique du vélo tout en relayant des équipements publics et des pôles d'intérêt touristique.
La valorisation du chemin de halage est importante pour faire connaitre et protéger le patrimoine exceptionnel des écluses.

Un nouvel avenir pour le halage animal

La traction hippomobile a été remise au goût du jour par la société Ypréma.
Après avoir convaincu le Port autonome de Paris de réaménager le chemin de halage pour en faciliter la traction, les produits de l’usine d’incinération de Saint Thibault les Vignes  empruntent une barge tractée par deux chevaux de traits bretons à destination du site d’Ypréma  (valorisation de mâchefers) à  Lagny sur Marne.




Le trajet le long de la berge dure de 10 à 15 minutes à une vitesse de 5 à 6 km heures suivant le courant. Deux fois par jour, cinq jours par semaine l’initiative a permis la suppression de 7 camions quotidiens, la réduction des nuisances sonores, des émissions polluantes ainsi que du risque d’accident .Cette démarche qui s'inscrit dans un projet d'écologie industrielle a permis la création d'un parc industriel en boucle fermée sur les bords de la Marne.
Le chemin de halage réhabilité est également redevenu une promenade très agréable pour les riverains et les amoureux des bords de Marne.

Chemin de halage et protection de l’environnement
       

L’exemple de la prairie Malécot.






En 1992 l’espace naturel sensible de la prairie Malécot  est créé  puis étendu en 1993 afin de garantir le maintien d’un site préservé en bordure de Seine à proximité du centre ancien de Boissise-le-Roi.
 Ce site périurbain  associé à la vallée de la Seine fait partie de la réserve de Biosphère et Fontainebleau et du Gâtinais classée par l’Unesco au patrimoine mondial des sites naturels en novembre 1998.
Situé au nord-est de Boissise-le-Roi,sur le plateau de la Brie, il s'étend en rive gauche de la Seine sur un peu plus de 1 km et offre un point de vue idéal pour admirer les nombreuses péniches qui animent le paysage.




Dès l’acquisition du site, le département le réhabilite en retirant les cabanons et en creusant des mares favorables à  la faune. Puis dans le cadre de l'ouverture au public, des bancs et un point en observation sont installés et le chemin de halage en terre battue restauré.
Ce chemin servait autrefois à tracter les péniches depuis la berge à l'aide d'animaux .Un point d’amarrage des péniches est encore visible.
 Le site fait l'objet d'une gestion variée avec des prairies en pâturage extensif d'autres en fauche mécanique ou manuelle. Les zones boisées sont simplement sécurisées (coupe des arbres et branches dangereuses).
Les végétaux autour des mares sont dégagés, les déchets enlevés et les espèces invasives régulées.
Afin de bloquer la dynamique de boisement et préserver la prairie Malécot, le Département a choisi une intervention animale : celle de chevaux camarguais.




Sources:www.seine-et-marne.fr




 




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